Nouveaux récits et Noël : quels contre-récits possibles ?

Si on vous dit Noël, que voyez-vous ? Un sapin illuminé ? Le Père Noël et ses rennes ? Du rouge et du vert ? Une grande tablée familiale ? Une dinde ? Des cadeaux ? Sans doute un peu tout ça à la fois car Noël a cette particularité de convoquer des imaginaires puissants. Des imaginaires autour desquels nous nous retrouvons (quasi) tous. Oui mais Noël c’est aussi le Black Friday, la course aux cadeaux (rien que de l’écrire, ça déprime…), des millions d’objets fabriqués, offerts et parfois aussitôt revendus, bref le cauchemar de la surconsommation. Comment se fait-il que cette fête soit devenue si commerciale ? Serait-il possible d’écrire de nouveaux récits pour renouer avec ce qui fait l’essence de Noël ?


Origines des récits de Noël : de la fête du solstice à une fête (très) commerciale

Tout d’abord, revenons aux origines… Dans l’Antiquité, le solstice d’hiver était une période riche en festivités. Les Saturnales célébraient les jours qui s’allongent et la fin de la période maigre. La lumière a toujours été un élément important des fêtes de l’hiver, en raison des nuits longues et obscures. Celle de se rassembler pour manger aussi, car on célébrait la fin de la période maigre en faisant bombance. Ainsi, lors des fêtes germaniques et scandinaves de Yule, on organisait de grands banquets pour fêter la renaissance de la nature.

Quand l’Église romaine choisit le 25 décembre pour célébrer Noël, elle se raccroche délibérément à cette tradition païenne du solstice. Longtemps, Noël reste une fête uniquement religieuse.


Comment Noël est-il devenu une fête familiale ?

Ce n’est qu’au cours du XIXe siècle qu’elle devient une fête familiale. Notamment sous l’influence des romans de Dickens et sous l’impulsion de la famille royale d’Angleterre. La Reine Victoria, qui a des origines allemandes, s’inspire de la tradition germanique du Tannenbaum, le pin orné de bougies et de cadeaux que l’on installe pour les fêtes. Victoria se met en scène avec son mari et ses enfants autour de ce sapin. Sans le savoir, elle lance une mode mondiale…

C’est aussi à cette période que la place de l’enfant change et devient centrale dans la bourgeoisie occidentale. Ainsi, on assiste à un glissement. On passe des étrennes, cadeaux échangés depuis l’Antiquité pour se souhaiter la nouvelle année, aux cadeaux de Noël, essentiellement consacrés aux enfants.


Imaginaires de Noël : de la fête de famille à la fête commerciale

Au XIXe siècle, Paris, Londres, et plus tard New-York, voient naître les grands magasins. Harrod’s à Londres et Le Bon Marché à Paris rivalisent d’inventivité pour susciter l’envie d’acheter. Ils comprennent très vite le potentiel commercial de cette fête et innovent avec des rayons dédiés, des vitrines de plus en plus sophistiquées et les premiers catalogues. Assez vite, le Père Noël fait son entrée dans ces magasins pour écouter les souhaits des enfants. Jusqu’alors, la tradition était de leur offrir une orange, symbole de lumière et d’opulence. Avec l’industrialisation de la fabrication des jouets au XXe siècle, la plupart des enfants commencent à recevoir des jeux. Après la seconde guerre, la tradition de Noël et de ses cadeaux se généralise. C’est ainsi que Noël devient la fête commerciale que l’on connaît.

L’appropriation des imaginaires de Noël par les marques

Alors non, Coca Cola n’a pas créé le personnage du Père Noël. Mais il a largement contribué à fixer sa représentation dans nos imaginaires et à le populariser partout dans le monde. Le père Noël trouve ses origines bien plus loin dans le temps. Au IVe siècle sous les traits de Saint-Nicolas, un évêque à qui l’on attribue une grande bonté et de nombreux miracles. Au XIe siècle, les ossements de Saint-Nicolas sont rapportés en Europe et le culte de ce saint se mêle aux folklores européens. Notamment à la mythologie germanique selon laquelle Odin chevauchait un cheval à 8 pattes pour aller de toit en toit distribuer des cadeaux. La tradition s’installe alors en Europe du Nord. Dans la nuit du 5 au 6 décembre, les enfants déposent leurs bottes à l’entrée de leurs maisons et y découvrent le lendemain des friandises. Lorsque les migrants néerlandais et allemands traversent l’Atlantique pour rejoindre l’Amérique, ils emportent, avec eux, le mythe de Sinter Klaas.

Aux Etats-Unis, en 1822, Clement Clarke Moore écrit un poème sur Saint-Nicolas qui vient en traîneau distribuer les cadeaux par la cheminée. Pour la première fois, celui que l’on va peu à peu nommer Santa Claus est associé à la nuit avant Noël. Puis c’est l’illustrateur Thomas Nast qui, dans les années 1860, lui donne les traits qu’on lui connaît aujourd’hui. Le personnage de Saint-Nicolas troque alors sa mitre d’évêque contre un bonnet mou, sa cape ecclésiastique contre un grand manteau et sa mince silhouette contre une bedaine et des grosses joues rouges.


Coca-Cola et le père Noël : la réappropriation des imaginaires

Quand Coca-Cola décide, en 1930, de réaliser une campagne de publicité pour désaisonnaliser les ventes de la célèbre boisson, la marque reprend tous les attributs du Santa Claus créé par Moore et Nast. Une seule chose change : la couleur de son manteau. C’est en effet Coca-Cola qui impose la couleur rouge alors que jusqu’ici, le Père Noël pouvait être vêtu indifféremment de vert, de jaune ou de bleu.

Donc Coca-Cola n’a pas inventé le Père Noël. La marque a emprunté un élément de la culture populaire (hérité de traditions païennes et religieuses et de productions artistiques), se l’est approprié et l’a diffusé partout dans le monde. Ce faisant, elle a nourri des imaginaires de Noël bien spécifiques. Imaginaires ensuite repris par l’industrie culturelle, au premier rang desquels Netflix qui, chaque année, produit les fameux “films de Noël”. Ce qui s’est joué avec Coca et le Père Noël représente ce qui pourrait arriver sur les imaginaires de la transition : que l’industrie culturelle, les médias et les marques jouent chacune leur partition pour créer de nouveaux récits.

Vers des nouveaux récits de Noël : des cadeaux seconde main

Un Noël sans sapin, sans dinde et même sans cadeaux, est-ce possible et même souhaitable ? En tout cas, on peut se poser la question d’un Noël qui ne soit pas une fête de la (sur)consommation.

Grâce au Bon Coin, à Vinted et aux autres applications de mise en relation entre particuliers, l’achat en seconde main est entré pleinement dans les mœurs, y compris pour les cadeaux : plus de 4 Français sur 10 ont déjà offert un cadeau de seconde main*. Mais la seconde main est-elle vraiment un frein à la surconsommation au moment de Noël ? Pas vraiment si l’on en croit une autre étude réalisée sur le sujet** : les personnes interrogées déclarent qu’acheter un cadeau d’occasion permet un gain financier et un impact écologique positif. Mais ils soulignent aussi un bénéfice additionnel : celui de pouvoir acheter « plus », et donc offrir « plus », en quantité et/ou en qualité. L’étude met en relief deux phénomènes antagonistes : un discours tourné vers une consommation plus responsable et sobre mais des pratiques qui, elles, restent ancrées dans l’hyperconsommation. La seconde main peut donc être un recours pour les cadeaux de Noël à condition d’en limiter le nombre. Et on peut aussi se tourner vers le fait main, par soi-même (le DIY) ou par des créateurs (sur Etsy par exemple).


Nouveaux récits de Noël : déco et menus de fête

Côté déco, on a sifflé la fin du match entre sapin naturel (biodégradable et capteur de carbone mais souvent cultivé en intensif) et sapin artificiel (en plastique mais réutilisable chaque année) : c’est le sapin naturel qui gagne ! Encore plus si l’on veille à ce qu’il soit produit localement, certifié et si l’on fait le choix du sapin en pot. Donc à moins de s’engager à utiliser le sapin en plastique pendant plusieurs dizaines d’années, mieux vaut se tourner vers le naturel. Mais une solution encore moins impactante consiste à fabriquer soi-même son sapin ! Avec des matériaux de récupération bien sûr (bois de palettes, branches, cartons…). Pinterest regorge de sources d’inspirations créatives !

Nouveaux récits de Noël : des menus de fête

Enfin pour le menu de fête, on fait a minima le choix d’ingrédients de saison et de préférence bio, locaux et sans emballages. Et on peut se lancer dans des expériences : tester le faux-gras à faire soi-même, le tarama de tofu aux algues ou la bûche de Noël vegan (qui connaît d’ailleurs cette année une hausse record des recherches sur Google avec +300 % de recherches !). Et pour cela, les créateurs de contenus ne manquent pas d’inventivité :

  • @iletaituneveggie a rassemblé 7 recettes festives pour un Noël 100 % végétal
  • @charlottemiam, spécialiste de la crusine, a concocté des recettes de fêtes 100 % coup de bluff
  • @healthyalie propose une recette de truffes à base de seulement 2 ingrédients (lait de coco et chocolat noir)


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*Etude Ifop pour Le Bon Coin, octobre 2023

**Etude Wavestone et Tripartie, décembre 2023

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