Marque et nouveaux récits : la méthodologie pour se lancer

Les nouveaux récits sont une nouvelle façon d’envisager ses messages de communication… Toutes les communications : commerciale, institutionnelle et même interne. Passer aux nouveaux récits pour sa marque, c’est donc faire une révolution culturelle ! On peut choisir d’y aller par petites touches ou à l’inverse s’investir pleinement. Voici quelques conseils méthodologiques pour se lancer.

1. Questionner ses propres stéréotypes

Nous, communicants, baignons dans les récits dominants et n’avons même plus conscience de perpétuer des stéréotypes. Il faut souvent faire un gros effort pour identifier tous ces moments où l’on ne questionne pas nos choix : représenter un décideur par une figure masculine par exemple. Un couple par un homme et une femme un peu plus jeune. Un sportif par quelqu’un de mince et dans la performance. Une maison par un pavillon individuel. Ou le voyage par une plage avec des cocotiers. Le soin et la beauté par une femme jeune à la peau blanche… C’est ainsi que l’on entretient, sans même l’avoir réellement voulu, des normes sociales sexistes, hétéronormées, grossophobes, âgistes et les cultes de la jeunesse, de la compétition, de la performance, de la surconsommation… Plutôt que d’aller à l’inverse de ces stéréotypes (ce qui risquerait d’être artificiel), interrogeons déjà ces représentations.


2. Nouveaux récits : faire un audit de tout ou partie des communications de sa marque

C’est la base et c’est ce qui peut prendre le plus de temps. Il s’agit, dans les communications existantes :

  • D’analyser les imaginaires convoqués : dans ce visuel, ce texte, cette baseline, quels sont les imaginaires que l’on convoque ? Quelles sont les normes sociales associées ? Par exemple, dans une campagne pour des compléments alimentaires qui donnent un teint hâlé, on voit une femme sur la plage. Parmi les imaginaires embarqués : “être bronzé, c’est beau” (c’est le signe de ceux qui partent en vacances, donc le marqueur d’un certain statut social), “être mince c’est mieux”, “les vacances idéales, c’est sur une plage de sable fin”. En prendre conscience permet de s’interroger sur les imaginaires auxquels on associe sa marque.
  • D’analyser les messages transmis : sont-ils compatibles avec les limites planétaires ? sont-ils inclusifs et respectueux de l’équité sociale ?

3. Définir quelle vision de la société la marque veut porter

Il s’agit de trouver l’axe (environnemental, social, sociétal) le plus conforme aux valeurs et aux actes de l’entreprise. Une fois cet axe trouvé, il est intéressant de le percevoir partout et tout le temps, même si cela n’est pas le message principal. Comme la Maif qui défend une vision de la société basée sur la coopération et l’entraide dans toutes ses campagnes.

Une fois la vision clarifiée, il faut être le plus précis possible sur ses implications : une vision de la société basée sur la coopération, cela ressemble à quoi ? Une vision de la société dans laquelle on renoue avec la nature et le vivant, qu’est-ce que cela implique ? Une façon de penser le voyage responsable, ça donne quoi concrètement ? Une vision du sport qui permet d’être en meilleure santé et plus heureux, ça se passe comment ?

Ces précisions sont nécessaires car cela permet d’identifier grâce à quoi on va percevoir cette vision de la société même quand ce n’est pas le message principal.

4. Identifier le territoire de communication de sa marque et construire une stratégie éditoriale orientée nouveaux récits

Après la définition de la vision de la société portée par la marque, le risque est de produire une belle campagne de marque et de s’arrêter là. C’est là où en sont beaucoup de marques aujourd’hui. Il faut donc s’outiller pour “noyauter” tous les canaux, semer des graines partout où l’on peut pour affirmer une certaine vision du monde et embarquer ses audiences. Et le meilleur outil pour nous y aider est la stratégie éditoriale avec :

  • Les sujets prioritaires : c’est une véritable opportunité d’étendre son territoire de communication et de le renouveler. Un fabricant d’abris de jardin peut donner à voir de nouvelles manières d’habiter, plus compactes : un studio dans le jardin pour le grand ado ou pour un parent âgé. Ou encore plusieurs studios autour d’une grande maison pour vivre en collectif. Une marque de légumineuse peut s’engager sur les protéines végétales. Et faire des portraits de personnes qui ont fait leur transition vers une alimentation “plant-based”. 
  • Des angles nouveaux récits sur des sujets qui ne le sont pas forcément : par exemple, plutôt que de parler systématiquement de tendances, une marque de décoration peut prendre le contrepied en donnant des conseils pour une harmonie décorative qui dure dans le temps. Une marque de radiateurs peut expliquer comment les utiliser le moins possible pour un confort optimal. Une marque de maquillage peut parler d’acceptation de soi, de son corps et de ses rides.
  • Un calendrier éditorial pour définir la temporalité et les canaux de diffusion de ces sujets (ainsi que leurs formats).

5. Cadrer les briefs de production et de diffusion

Il s’agit là de veiller aux signaux que l’on envoie quel que soit le support ou le canal de communication : 

  • Les images : les photos et vidéos (à part peut-être les produits détourés) sont de merveilleuses conteuses d’histoires. Le décor, les personnages, les situations stimulent l’imagination. En tant que marque, on a donc le pouvoir de convoquer les bons imaginaires :
    • en sortant des stéréotypes (de genre, d’âge, de morphologie…)
    • en évitant de donner à voir un mode de vie “american way of life”

Si c’est bien fait (avec sincérité, sans tomber dans l’artificialité), faire un pas de côté peut être libérateur et porteur pour les marques. Et ce quel que soit le sujet : montrer que l’on peut être belle à tout âge. Que l’on peut être gastronome et vegan. Ou que l’on peut pratiquer une activité physique quelle que soit sa morphologie ou encore qu’une famille, ça n’est pas forcément un papa, une maman et des enfants.

  • Les messages : on peut agir sur les messages principaux (en s’assurant du respect des limites planétaires et d’équité sociale) mais aussi sur les messages secondaires. On peut faire notamment de la pédagogie de consommation dans les conseils d’utilisation des produits (packaging, articles web, fiches pratiques et même fiche produit sur le web) :
    • Dans des recettes pour vendre des épices par exemple, on peut systématiser des recettes végétales avec des produits de saison.
    • Dans du matériel de sport pour les enfants (vélo, raquettes, matériel d’équitation), on peut suggérer la revente en seconde main.
    • Dans les conseils d’aide au choix, on peut recommander de privilégier des choix sobres (une tondeuse vraiment adaptée à sa surface de jardin par exemple ou même pourquoi pas recommander une faux pour les prairies) et durables (penser à une tondeuse réparable facilement).
  • Les codes utilisés : on sait que la couleur verte doit être utilisée avec modération (car associée aux engagements écologiques). Mais ce n’est pas la seule à être connotée. Par exemple, Patagonia qui ne participe pas au Black Friday en adopte pourtant tous les codes (et notamment la couleur noire) pour sa propre opération commerciale et ainsi cultive l’ambiguïté.

En dehors des codes graphiques, il faut aussi interroger :

  • La ponctuation comme l’usage (abusif) du point d’exclamation créateur d’urgence (commerciale la plupart du temps).
  • L’utilisation de l’impératif qui peut renforcer l’injonction (notamment à consommer).
  • Les tournures de phrases : par exemple, pour un voyagiste, énumérer des destinations tend à les banaliser, à faire du voyage un bien de consommation courant.
  • Le rythme d’un texte écrit ou lu qui, s’il est rapide, peut renforcer le récit dominant de performance et de vitesse.
  • La stratégie de moyens : le choix des influenceurs, le choix des réseaux sociaux (et la manière de les utiliser), le nombre d’emails envoyés…

6. Faire le point régulièrement sur les communications nouveaux récits de sa marque

On prend ici la mesure que pour garder sa cohérence, une marque ne peut pas investir les nouveaux récits à moitié. Oui le pas de côté peut être d’abord testé (sur un atterrissage) ou investir un seul registre (par exemple les images). Mais si le nouveau récit est rendu visible sur un canal à forte visibilité, il est indispensable qu’elle aligne toutes ses autres communications. Dans le cas d’une marque de cosmétique qui irait revendiquer le body positive dans une campagne d’affichage, il ne faudrait pas qu’elle fasse par ailleurs la promotion de produits minceur avec un mannequin photoshopé et avec des arguments assénant qu’être mince, c’est mieux. L’histoire ne tiendrait pas très longtemps.

Périodiquement, on peut donc regarder tout ce qu’on a produit et voir où en est la marque sur les nouveaux récits. Ce travail, idéalement en collectif, ne sert pas à donner les bons et les mauvais points mais à vérifier, avec du recul, qu’on progresse. Et éventuellement à se donner des objectifs pour l’avenir. On regarde notamment :

  • Le degré de désirabilité : est-ce que ma communication rend désirable la vision de la société portée par la marque ?
  • L’accessibilité : est-ce que tout le monde peut y avoir accès (financièrement, géographiquement…) ?
  • La compatibilité avec les limites planétaires dans les signaux que l’on envoie (ex. un gazon vert en plein été induit une forte consommation d’eau)
  • L’inclusivité : qui représente-t-on ?

Nouveaux récits : quand les communicants des marques s’empouvoirent

Ces dernières années, même si le ressort créatif reste valorisé, la performance à court terme des communications (et notamment à l’aune du chiffre d’affaires généré) a eu tendance à supplanter la construction de la marque qui, elle, se joue sur le long terme. Ajoutons à ça le fait que le métier de communicant est souvent cité parmi les “bullshit jobs”, et nous voilà avec des communicants en crise de sens (comme beaucoup d’autres métiers dans cette drôle d’époque). Adopter les nouveaux récits, c’est permettre aux communicants de participer au changement du monde. C’est mettre leur pouvoir au service d’un monde meilleur. C’est vraiment l’empowerment des métiers de la com ! Et évidemment, ça donne de l’énergie et de la motivation à toutes les équipes !

Nouveaux récits : quel rôle pour les marques ?

Laisser un commentaire