Rêver l’obscur : femmes, magie et politique / Starhawk

Attention, lecture décoiffante ! Ce livre est une excellente entrée en matière dans la pensée écoféministe. Remuante, vivifiante, parfois dérangeante, Starhawk questionne nos évidences et autorise des parts de nous enfouies par des millénaires de patriarcat. Ce livre foisonnant invite à plonger en soi pour y retrouver ses vraies sources de pouvoir. 

Le pitch : comment relier action politique, engagement intime et spirituel

Ce livre est un OVNI, qui compile différents textes de l’autrice Starhawk, activiste américaine dès les années 70. Sa pensée s’y exprime de manière impressionniste, entre des scènes de vie personnelle, des récits d’actions militantes, des rituels de sorcellerie et des concepts plus académiques. 

Paru aux Etats-Unis en 1982 et traduit en français en 2015, il est commenté par Emilie Hache et Isabelle Stengers qui le placent comme un livre clé de la galaxie écoféministe. Ce mouvement foisonnant et pluriel relie les combats écologiques et féministes pour n’en faire qu’un seul et s’emploient à déconstruire toutes les facettes du patriarcat. 

L’autrice : Starhawk

Starhawk est à la fois militante, autrice, universitaire et sorcière. 

Elle a été active sur le terrain dans les mouvements opposés à la bombe nucléaire puis s’est engagée dans les mouvements féministes, écologiques et altermondialistes dans les années 90. Elle a formé des groupes à l’action non violente et au fonctionnement en collectif autogéré. Et elle est une des figures du renouveau du mouvement de sorcellerie païenne wicca et de sa branche Reclaim. Enfin elle est aussi personnellement engagée dans un mode de vie sobre, inspiré de la permaculture. 

Elle a écrit de nombreux livres. Si vous êtes en recherche de rituels pour vous connecter avec le vivant, on vous conseille La voix de la Terre. Si vous avez besoin de vous outiller pour vivre la grande aventure du collectif, plongez dans Comment s’organiser. Manuel pour l’action collective.

Pourquoi c’est Nouveaux récits ? 

Nous baignons dans un monde structuré par les valeurs patriarcales (domination de l’homme sur la femme, de la raison sur l’émotion, de la tête sur le corps, de la politique sur le quotidien…). Ces valeurs aboutissent in fine à la destruction du vivant. C’est en déconstruisant ces valeurs qu’on peut donner vie à un monde plus durable, plus juste et plus heureux. Et c’est ce que fait ce livre.

C’est donc un coup de boutoir dans l’ancien récit le plus dominant, celui qui structure notre rapport au monde. Un nouveau récit qui revient à la racine de la majorité de nos problématiques contemporaines. 

Autre nouveau récit puissant : la magie est politique. Starhawk utilise tous ses pouvoirs, autant rationnels que spirituels (et tous sont considérés comme aussi valables) pour donner naissance au monde qu’elle souhaite voir advenir. 

Les concepts-clés de Starhawk : magie, pouvoir du dedans, incarnation

  • La magie est politique : Starhawk réhabilite la force des rituels, la part de spiritualité païenne en nous et recommande de se reconnecter aussi à cette forme de pouvoir. Elle n’hésite pas à méditer, se déguiser, chanter et faire appel aux forces du vivant avant ou pendant une manifestation politique.
  • Le pouvoir-du-dedans : Elle oppose pouvoir-du-dedans et pouvoir-sur. Le pouvoir-sur et le pouvoir qui se traduit par la domination. Elle invite plutôt chacun à se reconnecter à son pouvoir-du-dedans, qu’on pourrait rapprocher de l’alignement, du charisme, de l’élan. C’est un pouvoir réel, qui invite à s’engager, à faire, à créer, à convaincre, mais qui ne se traduit pas par de la domination. Ce pouvoir est la base du fonctionnement en collectif non hiérarchique. Parfois, elle appelle ce pouvoir « la Déesse », en hommage aux forces de vie qui sont à l’œuvre. 
  • L’incarnation : A chaque page, Starhawk réhabilite la nature et ce qui fait notre propre nature. Nos corps, nos instincts, nos émotions, nos intuitions. Pour elle, cette réhabilitation fait partie du combat. Elle revendique la joie de se déguiser, la pulsion de vie qui nous anime, l’élan créateur qui nous donne envie de chanter, de sculpter, de peindre ou de danser. Et pour elle, c’est au moins aussi important que de penser. 

La citation qu’on aime : 

« Le sujet de ce livre est cet appel au pouvoir, un pouvoir basé sur un principe très différent du pouvoir-sur, de la domination. Car le pouvoir-sur est finalement celui du fusil et de la bombe, le pouvoir d’anéantissement qui soutient toutes les institutions de domination. 

Or, le pouvoir que nous devinons dans une graine, dans la croissance d’un enfant, que nous éprouvons en écrivant, en tissant, en travaillant, en créant, en choisissant, n’a rien à voir avec les mesures d’anéantissement. Il est à entendre au sens premier du mot pouvoir, qui vient du latin podere, être capable. C’est le pouvoir qui vient du dedans, le pouvoir-du-dedans. »

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